Wladimir Rabinovitch, dit Rabi, né en 1906 en Lituanie, comme Lévinas, était un intellectuel juif hétérodoxe. Avocat, puis magistrat, en France, il défendra au sortir de la guerre la famille Finaly dans l’une des grandes affaires judiciaires mettant en jeu la judéité (la Juste catholique qui a accueilli des enfants cachés pendant la guerre peut-elle les convertir et refuser de rendre les enfants à leurs oncle et tante survivants?). Rabi a ensuite été une grande figure de la vie intellectuelle juive francophone, ferraillant contre les maîtres à penser du renouveau du judaïsme, Manitou et André Neher, au colloque des intellectuels juifs de langue française, incarnant une sorte de prophète intransigeant à la lisière du monde juif, amoureux d’une certaine fragilité juive.
Finkielkraut écrit dans Au nom de l’Autre qu’on « ne dénonce plus leur vocation cosmopolite [des Juifs], on l’exalte, au contraire, et, avec une véhémence navrée, on leur reproche de la trahir. » Rabi était l’un de ces véhéments navrés. Certes, il ne le faisait pas de l’extérieur, comme un Enzo Traverso n’aimant les Juifs que lorsqu’ils étaient faibles donc modernes, mais en protest within, ne s’aimant comme juif que si la judéité est assortie d’une vulnérabilité existentielle.
Les Juifs sont en effet parmi les Nations seuls, vulnérables, et à la fois exercent une sorte de « magistère moral » (le mot est de Guillaume Dustan), c’est un peuple dont la tâche n’est pas accomplie, dépositaire d’une certaine conception de la justice, une sorte de poil à gratter pour le monde. La judéité confère quelque « distanciation dialectique à l’égard de la nation d’accueil, de ses lâchetés, de son racisme » écrit Rabi, et il pourrait ajouter en paraphrasant Barbara : « et j’aimais cela quand j’y pense. »
Rabi aime cette condition, le Juif « s’accroche comme le malade à sa maladie » écrit Memmi dans le Portrait d’un Juif et Rabi reproduit cette position de minorité parmi les Juifs, s’efforce d’être un Juif des Juifs. Il est difficile de dire s’il se complaît ou s’il souffre d’être un paria vis-à-vis de l’establishment juif. Mais de même que les Juifs ont besoin de vivre parmi les Gentils, prescrit-il en diasporiste, de même a-t-il besoin de vivre parmi les Juifs, de continuer à prophétiser dans les instances du judaïsme malgré l’indifférence que ses récriminations suscitent, de poursuivre ce statut de poil à gratter, de narguer les Juifs — et non plus le monde — de sa supériorité morale et de son impuissance politique. Il reproche ainsi aux maîtres à penser juifs à la fois de trahir cet être-au-monde de vulnérabilité, en arborant at last une fierté d’être juif, de rendre le judaïsme enfin convenable, pire encore « normal » par le sionisme. Et parce que Rabi souffre comme paria parmi les Juifs, les Juifs n'ont pas le droit de renoncer à souffrir comme parias parmi les Nations, n'ont pas droit non plus à une normalité quelconque par le sionisme. Il les brocarde encore quand à l’inverse le judaïsme prolonge le mythe de l’anormalité, se complait dans la mythologie d’Amalek : « Israël est entouré par un monde de haine ».
C’est ainsi un Juif mal à l’aise avec Israël et avec les institutions juives qui assène ces critiques radicales au sionisme. Prises isolément, elles me semblent pertinentes, et je les partage souvent, il touche juste, parfois de façon troublante, ses critiques sont vertigineuses, à la frontière du dicible, mais la vision d'ensemble et la conclusion qu'il en tire me semble pernicieuse, et l’usage qu’il en fait pervers. Certes, Rabi se justifie en permanence par l'affirmation préalable d'une ahavat Israël (on connaît le mot de Scholem à l’encontre de Arendt: « un concept difficile à définir et pourtant bien concret ..., Ahavat Israel, “l’amour du peuple juif ”, chez vous, ma chère Hannah, comme chez d’autres intellectuels issus de la gauche allemande, je n’en vois pas trace ») mais le sentiment qu'il donne est qu'il n'est plus sûr de cette bienveillance — et donc qu'il règle ses déchirements intérieurs par des prises de positions trop radicales, une sorte de je suis un vilain petit canard en Israël et je n'aime pas cette position de vilain petit canard donc Israël est à jeter. Pour tout dire, il semble jouer au « bon Juif », le seul Juif fidèle aux prophètes d’Israël, qui se gratifie au dehors par cette fidélité au détriment de tous les autres Juifs.
Rabi cite in extenso ses contradicteurs, et ceux-ci l’analysent souvent très finement, sans doute parce que ce sont ses amis. Ils lui disent, amicalement, qu’il est antisioniste parce qu’il n’arrive pas à se départir d’une judéité aporétique, qu’il projette ses déchirements intérieurs sur l’économie du judaïsme tout entier. Rabi ne l’évoque pas dans ce livre, mais il avait fait un mariage mixte, ce qui explique peut-être son malaise vis-à-vis de la transmission et du particularisme juif.
Parfois, on a l’impression que le contradicteur s’adresse à nous lecteurs, Juifs sécularisés de diaspora comme Rabi, et l’on se dit, avec peut-être un peu d’amertume mais avec la satisfaction d’être compris, que ce contradicteur touche juste. Parfois, le Rabi qu’il brocarde nous est étranger, c’est le Juif radical que l’on ne veut pas être, et l’on prend encore du plaisir à le voir mouché.
Je précise ici que si je juge ainsi l’attitude de Rabi, c’est pour trop le connaître chez moi et vouloir la prévenir chez moi. Son livre, Un peuple de trop sur la terre ?, est alors très utile : pour indiquer jusqu’où doivent porter nos introspections et nos critiques, jusqu’à quel point on doit être cohérent (dans quelles sphères porter nos critiques contre Israël ou les institutions juives, comment assumer notre double discours défensif au dehors, corrosif ou perplexe within). Rabi, malgré lui, nous indique un point de non-retour.
Critique radicale du sionisme, d’Israël et du sionisme de diaspora
Rabi est antisioniste, diasporiste. Dans les catégories d’avant-guerre, il voit quatre voies possibles pour la judéité, deux diasporismes, un à la polonaise, l’autre à la russe, le sionisme, et l’assimilation dans les sociétés occidentales, et semble se faire après-guerre l’héritier du bundisme disparu. Mais de façon troublante, alors qu’il remet en cause la centralité d’Israël, il adresse des reproches à la politique « nationalitaire » de Richard Marienstras, quasi-synonyme de diasporisme (Marienstras développe sa thèse dans Être un peuple en diaspora), à la périphérie du judaïsme, aussi acerbes que ceux qu’il adresse à son centre. Il le fait en des termes que l’on pourrait, lecteurs, user contre lui : les revendications nationalitaires manquent d’authenticité (comment concilier identité revendicatrice et déjudaïsation, substitution de fait du judaïsme par un humanisme universaliste) ; une « occultation de la réalité objective [du] lien charnel et viscéral qui unit chaque juif à Israël ». « Enfin, le ton inutilement provocateur de Marienstras arrêtait l’adhésion. » On verra plus bas avec quel ton Rabi étrille une par une toutes les grandes figures du judaïsme français et israélien, celles de gauche en premier lieu.
Il poursuit ce chapitre contre la centralité d’Israël par un mot très juste de Memmi, qui contredit la thèse de Rabi : « [Sans la centralité d’Israël], le judaïsme retombera dans les conceptions galouthiques telles que l’inexorabilité du “malheur juif” ou l’infériorité de la condition juive, et cela sans perspective d’issue. » Et cite cela sans toutefois chercher à contredire Memmi, il semble même reconnaître là la pertinence de Memmi.
Suit un chapitre qui est un grand réquisitoire contre Begin et sa philosophie de l'histoire, qui ressemble en tout point à ce que l’on pourrait, en sioniste de gauche, dire du Likoud ou du sionisme religieux, de leur myopie et de leur malhonnêteté quand ils refusent d’accorder du crédit à l’autodéfinition et l’autodétermination nationales palestiniennes. Pour autant, sa façon de le formuler est fautive. Il montre d’abord l’opposition entre Ben Gurion et Begin. Ben Gurion explique en effet, dans un débat à la Knesset en 1949, que Rabi cite, qu’un Etat juif et démocratique est incompatible avec un Grand Israël, et qu’il préfère un petit Israël juif et démocratique à un grand Israël juif mais pas démocratique (un Etat juif où les Palestiniens n’auraient pas de droits civiques) ou démocratique mais pas juif (l’Etat serait binational et les Juifs n’y constitueraient pas la majorité). Par contraste, Begin apparaît comme le négateur de l’autodétermination palestinienne. Puis Rabi démontre la continuité entre travaillistes et droite, pour montrer ce que Ben Gurion a de Begin, un Begin sans hybris, et ainsi disqualifier par propagation tout l’échiquier politique israélien, et à vrai dire, toute la fondation d’Israël, erreur séminale. Regarder les choses sous l’angle de l’hybris n’est pas inintéressant, c’est ce que fait un Leibowitz, mais Rabi le dit avec un tel caractère d’évidence que l’on comprend que tout est à jeter en Israël. Ou bien 1967 a transformé Israël, ou bien ce qu’Israël a d’immoral a précédé 1967, mais affirmer les deux à la fois est malhonnête.
Sur Israël, il enfonce un peu le clou avec quelques arguments spécieux : nous, Juifs, avons été brillants quand nous étions parmi les Nations, les Nobel juifs étaient nombreux, mais en vase clos, en Israël, sans les goys, les Juifs sont livrés à eux-mêmes et ne réalisent rien que de tout à fait moyen, écrit-il. (Je ne crois pas que ce critère soit pertinent, et le sionisme vise précisément à sortir de l’exceptionalism juif, mais les prix Nobel décernés à des Israéliens dans les années 2000 démentent cette intuition de 1979.)
Ailleurs, il écrit que la yerida prend des proportions considérables, qu’Israël va se vider de ses Juifs, sans que les diasporas américaine, française ou britannique ne fassent leur alyah. Là encore, son intuition est démentie. Elle n’avait de toutes les façons pas vocation à être une prédiction, mais une n-ième pièce à charge contre Israël.
Critique de la moraline de diaspora, des maîtres à penser
Plus qu’Israël, c’est contre les « maîtres à penser » de la diaspora qu’il écrit son pamphlet. Il dénonce ainsi les intellectuels organiques de la communauté, que l’on pourrait appeler intellectuels-refuges selon le mot de Memmi, des intellectuels chargés de donner une certaine cohésion aux Juifs et surtout une bonne conscience, e.g. Elie Wiesel et Robert Badinter.
Le premier parce qu’il exalte la bonne conscience juive après 1967, l’érudition satisfaite (dit plus simplement : l’orgueil d’être un peuple qui étudie), l’autre parce qu’il fait du deux poids deux mesures. Quand Badinter visite des prisons françaises, il est une haute figure morale qui tonne comme un prophète et qui nous rend ainsi fiers de voir une voix juive s'élever pour la justice, tandis que devant les prisons israéliennes, il retient ses critiques, anticipe les instrumentalisations, plaide la complexité.
Il étrille le « fanatisme » de Neher, au colloque des intellectuels juifs de langue française de 1960, déjà commenté par Memmi dans La libération du Juif. « Périsse la communauté juive... périsse l'État d'Israël si cette communauté devait être injuste, si cet État devait être injuste ! » avait déclaré Neher dans un élan religieux, suscitant l’ire de l’auditoire. (Je lis dans l’article André Neher : une pensée et une vie entre la Shoah et Israël de Francine Kaufman, « que, selon le témoignage de son épouse Renée, il ne cessera de regretter toute sa vie », « poussé à bout par certaines déclarations sans concessions de membres de l'auditoire ».)
Il en veut surtout au caractère apologétique des thèses de Neher, comme de Manitou ou d’Eliane Amado Lévy-Valensi, les grandes figures du renouveau du judaïsme d’après-guerre, qui ont revivifié les études juives et exalté le sentiment religieux et la fierté des Juifs de France. Il s’attaque également à la réaction — pour ainsi dire — des intellectuels juifs à la victoire miraculeuse de 1967, qui a ré-activé un certain messianisme, qui a été un catalyseur pour transformer l’éthos juif, d’une vulnérabilité, d’un soutien timide à Israël, d’une distanciation du politique à une fierté politique retrouvée et un certain légitimisme.
Le bon Juif
Ce qui ressort, toutefois, de ce pamphlet, c’est que personne ou presque n’échappe au gril de Rabi.
« Non seulement il ne se hait ni ne se méprise lui-même, mais il s’estime lui-même. Qui plus est, il s’estime en tant qu’il est juif, il se tient pour le seul juif qui mérite l’estime en tant que Juif. » écrit Milner dans Le Juif de savoir, et le Rabi d’Un peuple de trop sur la terre ? semble procéder de cette définition. Tous les Juifs trahissent la mission d'Israël : les étudiants de Strasbourg à qui il donne une conférence, André Neher, Elie Wiesel, Daniel Cohn-Bendit, Robert Badinter, la presse juive « paroissiale », Beno Gross, René Weil, les sépharades qui prétendent mieux connaître l'antisémitisme arabe que lui, les juifs communistes repentis accueillis comme des exemples édifiants par la communauté, et la communauté qui les célèbre comme des fils prodigues, David Susskind, « même André Schwartz-Bart et Albert Cohen », ajoute-t-il, comme étonné par sa propre intransigeance, Jean Halpérin, Emmanuel Levinas, Robert Misrahi et Piotr Rawicz, ces quatre derniers pour ne pas l’avoir défendu quand il subissait un « herem informel », les survivants de la Shoah, qui ont eu tort de pardonner et d’oublier leurs bourreaux pour faire l’unité de la nation française (si ses critiques à l’encontre des intellectuels ci-dessus peuvent être pertinentes et leur radicalité imputée à une déception et une souffrance personnelles, d’être inaudible, ce mot sur les survivants de la Shoah est franchement pervers). Et bien entendu, l’Etat d’Israël.
Les seuls exempts de ce reproche, qui méritent le titre « d’intellectuel critique », prophètes modernes (il semble croire qu’un prophète doit être inaudible plutôt que de regretter que les prophètes soient inaudibles), sont Martin Buber, Yeshayahu Leibowitz, Pierre Vidal-Naquet. Et lui-même.
A ce titre, le mot de « bon Juif » semble lui convenir : endosser auprès du monde non-juif une posture de bon Juif au détriment des autres Juifs, en prenant systématiquement le contrepied de ce que disent et pensent usuellement les Juifs, pour rechercher une gratification morale — être le seul fidèle à la vocation d’Israël, être le seul Juif à rédimer.
On n’utiliserait pas ce qualificatif de « bon Juif » si ça n’était qu’à ses propres yeux qu’il se voyait être un bon Juif (et encore, cela pourrait procéder d’une seule gratification morale narcissique), mais c’est bien aux yeux du monde qu’il veut apparaître comme bon Juif. Quand il critique les grandes figures morales du judaïsme séculier, c’est aussi parce qu’elles réservent leurs critiques d’Israël aux cercles juifs ou israéliens.
Certes, le devoir moral ne s’arrête pas aux portes de la communauté, il doit porter au dehors, au monde entier, et toute critique publique n’est pas « de trop » ni ne conduit nécessairement à une instrumentalisation au détriment de tous les Juifs. Certes, Rabi a raison de juger la presse juive sclérosée, il peut même juger avec aridité que la société israélienne est corrompue par l’occupation, et que, pour ces raisons, porter une critique de type « protest within » est vain, qu’il faut maintenant porter les critiques au dehors.
En outre, il était cohérent intellectuellement, ne faisait pas des ennemis de ses ennemis ses amis, ne faisait preuve d’aucune révérence vis-à-vis des ultraorthodoxes antisionistes ou asionistes parce qu’ils se rejoignaient sur une intersection minuscule de leur vision du monde — leur rapport politique à l’Etat d’Israël — et sur absolument rien d’autre — sécularisation, libéralisme, individualisme, rapport au rite, etc. Et quand il reprenait au dehors ses critiques protest within, il le faisait avec une colonne vertébrale.
Malgré le rabâchage de ses admonestations, Rabi continuait à être invité dans les cercles d’études juives, aux congrès sionistes, dans les instances communautaires, mais il notait que son rôle de poil à gratter devenait presque ritualisé, qu’il ne servait que de caution critique — voyez comme nous sommes divers — qui n’existe que pour nous rassurer de notre liberté de conscience, mais qui n’est au fond pas écoutée.
Mais c’est une ligne de crête. Entre le devoir moral et la cohérence intellectuelle d’une part, et d’autre part l’instrumentalisation de sa judéité au détriment de la masse des Juifs et la gratification morale qu’il tire de cette position de minorité au sein de la minorité, la distinction peut être mince. Pour autant, Rabi me semble pencher du côté « bon Juif » ici. Au fond, la ligne de crête est simple à exprimer : c’est l’ahavat Israël.
Ahavat Israël, souffrances intérieures
De cela, Rabi en est tout à fait conscient, il n’est pas simplement critique d’Israël, il l’est mû par ahavat Israël. C’est, dit-il, parce qu’il est affecté par le comportement des siens, qu’il dit aimer, qu’il fait preuve d’intransigeance avec eux.
Cependant, quand il éprouve un certain plaisir à agacer les dents des pontes de la communauté par tribunes interposées, il est difficile de le voir les avertir sincèrement d'une corruption morale. Pour tout dire, plus il clame et rumine sa propre ahavat Israël, plus il en semble dépourvu. On ne pense toujours que ce qui n'est pas évident, spontané, et Rabi donne le sentiment qu’il aimerait aimer Israël (la collectivité juive, pas l’Etat d’Israël) mais qu’il n’y parvient pas.
Il est dans ce livre souvent confus et écrit sous l'agacement, avec une certaine nervosité, une susceptibilité, marqué par des déceptions personnelles ; il distille des critiques à un peu tout le monde, souvent justes individuellement, mais l'impression d'ensemble est confuse tant il concentre sur sa personne les critiques qu’il reçoit.
Son ami René Weil, alors président de la communauté de Strasbourg, lui écrit après que Rabi a publié dans « Le Monde » un poème pour le Liban : « Vous n'hésitez pas à accuser Israël et à exiger de lui un véritable suicide, et cela uniquement parce que cela vous arrange, vous, pour résoudre vos contradictions personnelles. »
Un autre ami, Lucien Lazare, résistant, enseignant et plus tard beau-père de l’homme politique post-sioniste Avrum Burg, lui écrit de même, peu avant de faire son alyah: « De même que vous n'avez jamais maîtrisé votre altérité par rapport à la société française, et même par rapport à la communauté juive, vous souffrez maintenant d'une nouvelle part d'altérité, à l'égard des Juifs israéliens. »
Ses contradicteurs les plus pertinents sont tous ses amis. Il a certes quelques brouilles idéologiques avec eux, somme toute mineures — il suffit de voir qui est Lucien Lazare. Peut-être sont-ils, eux, restés sur la ligne de crête. Quand il est la cible de critiques de la part d'institutions juives, ils font tampon, le ménagent et ménagent les institutions (une sorte de : ils ont tort de vous attaquer ainsi).
Mais Rabi semble tellement souffrir que l’on a, en le lisant, naturellement de la sympathie pour lui, pour sa nervosité. Avec ce livre, fin 1979, il n’était pas arrivé au bout de ce qu’il voulait dire. Deux ans plus tard, quelques heures après une brouille avec André Neher lors d’un colloque, il mourra dans un accident de voiture, à l’âge de 75 ans.
Cette note est en grande partie issue de discussions avec Jonathan Gombin et Joseph Hirsch sur ce livre.